L'exclusion : elle consiste à rejeter de la congrégation
un Témoin, qui est jugé par le collège des Anciens
comme ennemi de Jéhovah. Concrètement, l'ex-Témoin
ne pourra plus avoir aucune relation avec tous ceux qu'il connaissait
et qu'il aimait, y compris les membres de sa famille qui seront
les seuls cependant à avoir le droit de le saluer et à
parler de la pluie et du beau temps, s'ils le souhaitent. Un Témoin
qui parle à un exclu sera lui-même exclu s'il persiste.
Comme tout Témoin est sensé avoir cessé de fréquenter
toutes personnes non Témoin, il s'en suit une très profonde
solitude pour l'exclu. Cela constitue un très puissant moyen
de maintenir dans la secte nombre d'âmes qui auraient quelques
doutes. Et cela pousse beaucoup d'exclus à tout faire pour retourner
dans la secte : on ne leur a jamais appris à trouver en eux-mêmes
la force de faire face aux problèmes de l'existence, toute confiance
en soi du Témoin moyen repose sur la Bible (interprétée
à la sauce TJ), et sur le sentiment d'appartenir à l'organisation
des Témoins de Jéhovah : un TJ n'a de valeur personnelle
qu'en tant qu'il est membre de l'Organisation des Témoins de
Jéhovah, instrument dans les mains de "Jéhovah". Par lui-même,
il n'est que péché, ignorance et absurdité. Pour
être à nouveau admis parmi les TJ, l'ex-adepte devra d'abord
cesser toute activité ayant été à l'origine
de son exclusion, se repentir (II Cor. 2:6,7), accepter d'être
contrôlé par le "comité judiciaire". Et enfin, il
devra retourner à toutes les réunions publiques (4 heures
par semaines) pendant au moins un an, en se plaçant tout au fond
de la salle, en arrivant cinq minutes après le début et
en partant cinq minutes avant la fin (ce qui correspond aux moments
de prière), afin de ne pas avoir à saluer les autres TJ
Les motifs d'exclusions sont :
L'adultère
: le fait de tromper son conjoint avec un(e) autre ;
La fornication :
le fait d'avoir des relations sexuelles "contre nature", même
avec son conjoint (le terme peut alors être l'impureté
ou l'inconduite), c'est-à-dire tout ce qui ne sert pas à
la seule procréation (malgré le fait que la contraception
soit autorisée et même encouragée dans une certaine
mesure) : sodomie, fellation, cunilingus, masturbation mutuelle, caresses
sensuelles sur les seins ou le sexe
(cf. w83 15/6 30-1, voir
aussi le Livre des
Anciens).
L'avidité
: tout désir excessif, non maîtrisé, d'objets
matériels comme l'argent, la nourriture (gloutonnerie)
L'idolâtrie,
le fait d'adorer ou simplement d'arborer des représentations
ou symboles religieux (ex. une croix), ou politiques (saluer un drapeau,
chanter la marseillaise). Par extension, le fait de célébrer
des fêtes considérées comme païennes par
les TJ : Noël, Pâques, les anniversaires, la fête
des mères
(la seule fête non-païenne est le
mémorial).
L'ivrognerie ;
Le fait d'extorquer, par
une escroquerie ou un mensonge, ses frères ou qui que
ce soit
Le fait d'enseigner des
doctrines contraires à l'enseignement du Christ (apostasie)
: dire ouvertement par exemple qu'il n'est pas possible de tendre
l'autre joue à qui vous gifle mais aussi, par une douteuse
extension, contester ou simplement discuter la valeur de n'importe
lequel des enseignements de la Watch Tower Society, qui est considérée
comme "l'esclave fidèle et avisé" envoyé par
Jésus Christ pour le représenter sur terre
Et
par une plus large extension encore, toute contestation d'une décision
du collège local des anciens, même avec des arguments
bibliques à l'appui, peut faire l'objet d'une exclusion de
celui qui en est responsable ;
Le fait de blasphémer
;
Le fait d'accomplir
son service militaire ;
Le fait d'accepter une
transfusion de sang ou tout simplement de manger un aliment contenant
du sang ou même un élément du sang comme la lymphe
;
Le fait de fumer
et de ne pas s'arrêter ; le fait de se droguer,
Le fait de voter
à quelque élection que ce soit (mais cette interdiction
semble évoluer ces derniers temps
) ; le fait de participer
à toute activité "du monde dominé par Satan"
: adhérer à un parti, participer à une association,
même caritative
Bizarrement, le fait d'avoir de travailler
dans le monde n'est pas considéré comme satanique, mais
en y réfléchissant, on se rend bien compte que si les
TJ ne travaillaient pas, la première source de financement
de la Watch Tower partirait en fumée. Il semble qu'en France
ce motif tende actuellement à disparaître.
Le fait de fréquenter
un exclu ou encore une personne s'étant retirée
elle-même de l'Organisation des TJ, considérée
ipso facto comme "exclue".
A la lecture de la Bible, et si en particulier on prend au sérieux
et au premier degré les Epîtres de Paul, la pratique de
l'exclusion semble avoir été commandée par l'apôtre.
Si on s'en tient à l'Evangile, les hommes ne sont pas habilités
à juger leurs semblables. Et s'il y a malgré tout des
discordes, liées à la conduite des uns et des autres Mat.
18:15-22 conseille à celui qui se croit offensé de chercher
à discuter avec l'autre pour essayer de s'entendre, quitte à
faire intervenir d'autres frères, et si malgré tout cet
autre persiste malgré l'avis de plusieurs frères, il est
tout simplement conseillé de ne plus le fréquenter. Le
bon sens parle ici : si une personne que vous considériez comme
votre frère vous offense, par sa conduite ou par ses paroles,
le mieux à faire est de ne pas persister à la fréquenter.
Il n'est pas question ici d'un rejet par toute la communauté
des chrétiens. Et quoiqu'il en soit, il est demandé de
pardonner à ceux qui nous offensent jusqu'à "77 fois"
ce qui signifie indéfiniment (car aucun chrétien n'est
assez stupide pour comptabiliser tous les manquements de ses proches).
En conséquence, aucune cessation de fréquentation de celui
qui est cause de discorde ne doit avoir de valeur définitive,
il s'agit simplement d'un statu quo qui n'est appelé à
durer que tant qu'il y a mésentente entre deux frères.
Il s'agit simplement de savoir arrêter de se quereller à
temps, de ne pas continuer à mettre de l'huile sur le feu en
continuant de se fréquenter.
Enfin, dans son fameux Sermon sur la Montagne, Jésus dit "Vous
avez entendu qu'il a été dit : tu aimeras ton prochain
et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi je vous dis : Aimez vos
ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils
de votre Père qui es aux cieux, car il fait lever son soleil
sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les
justes et sur les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment,
quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes
n'en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts
à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les
païens eux-mêmes n'en font-ils pas autant ? Vous donc, vous
serez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Matthieu
5 : 43-48).
Cela semble assez peu en accord avec Paul qui, n'ayant jamais connu
le Christ de son vivant et s'étant lui-même proclamé
"apôtre des Nations", se prétendait en droit de "livrer
à Satan" quiconque ne voyait pas les choses comme lui (I Tim.
1:20). Il serait bon de rappeler ici au Témoin sincère
mais souvent désinformé que les Ecrits de l'apôtre
Paul n'ont été lus et éventuellement appliqués
que par les membres des communautés qu'il avait fondées
: les autres communautés fondées par d'autres apôtres
ne suivaient pas les façons de voir de Saül de Tarse qui
s'entendait très mal avec les autres apôtres. D'ailleurs
Paul ne s'en cache pas, il traite à différents moments
les autres apôtres d'hypocrites et de mauvais chrétiens
(II Corinthiens 11:5-26). Il ne faut pas oublier que Paul avait été
un fanatique : il avait participé à la lapidation d'Etienne,
avant de devenir lui-même chrétien. S'il a changé
de perspective religieuse (il faisait au départ partie de la
secte des pharisiens), il n'a jamais changé de méthode,
ignorant en grande partie le message d'amour de Jésus, ou le
réinterprétant dans un sens complètement abstrait
(alors que Jacques dit que la foi sans les uvres est morte, Paul
dit que ce qui compte, ce ne sont pas les uvres mais la foi, Rom.
3:27,28). Un fait intéressant à noter au sujet de ce prétendu
apôtre est qu'il se vante à plusieurs reprises de jouir
de la citoyenneté romaine, alors qu'en même temps il se
dit "Juif", originaire de Tarse. Or il était à l'époque
impossible d'être officiellement juif et citoyen romain : on ne
pouvait adorer Jupiter et Yahweh en même temps. Où est
l'erreur ? Sur la personnalité et les motivations réelles
de l'apôtre Paul, je conseille "L'incendiaire, vie de Saül
de Tarse" de Gérald Messadié, chez Robert Laffont
et en particulier la partie consacrée aux sources documentaires
de son roman historique.
Quoiqu'il en soit, l'autorité de Paul comme écrivain
faisant partie du Canon de la Bible date du IVème siècle.
Qui a décidé que les Ecrits de Paul devaient faire partie
de la Bible ? Ce n'est pas Jéhovah qui un beau jour a dit "dans
Mon Livre, vous mettrez les Epîtres de Paul", ce sont les pontifes
catholiques qui l'ont décidé au IVème siècle
après Jésus Christ. Et pour cause ! Quand il s'agissait
à l'époque de lutter contre les "hérésies"
comme l'arianisme, qui enseignait que Jésus n'était qu'un
homme, et parce qu'il fallait s'assurer d'un pouvoir sans faille sur
les esprits, les écrits de Paul se révélèrent
d'une valeur politique exceptionnelle : on pouvait mettre hors jeu,
excommunier, bannir, tous ceux qui ne se pliaient pas à l'ordre
idéologique établi, au nom même de celui qui enseigna
l'amour, par l'intermédiaire d'un Paul bien utile.
Mais si l'on tient cependant absolument à considérer
Paul comme un "canal de Dieu sur Terre" au même titre que Jésus
et les autres apôtres (choisis par lui de son vivant), force est
de constater que la Watch Tower fait preuve de beaucoup de
zèle pour ajouter de nouvelles rubriques à la liste des
motifs d'exclusion. Ceux-ci sont contenus dans les Lettres de Paul
: I Cor. 5:11 : "Je vous écris de cesser de fréquenter
celui qui, appelé frère, est fornicateur, ou avide, ou
idolâtre, ou insulteur, ou ivrogne, ou extorqueur" et Rom. 16:17
: "Je vous exhorte maintenant, frères, à avoir l'il
sur ceux qui causent des divisions et des occasions d'achoppement, à
l'encontre de l'enseignement que vous avez appris, et évitez-les."
Et I Tim. 1:20 :"Hyménée et Alexandre appartiennent à
ceux-là, et je les ai livrés à Satan pour qu'ils
apprennent par la discipline à ne pas blasphémer."
Que constate-t-on à la lecture de ces versets ? Que les
motifs d'exclusion sont assez limités : fornication, avidité,
idolâtrie, insultes répétées, ivrognerie,
escroquerie et dans une certaine mesure ce que les TJ appellent "apostasie"
qui consiste à enseigner autre chose que ce qui a été
appris par les premiers chrétiens, à la suite de l'enseignement
du Christ (mais le fait d'enseigner par exemple que 1914 est la date
du commencement de la fin, n'est-il pas autre chose que ce que les premiers
chrétiens avaient appris ?) et enfin le blasphème.
L'interprétation du sens de certains termes, en particulier
celui de fornication ou d'idolâtrie, laisse beaucoup à
désirer et est très discutable mais malgré les
incertitudes de vocabulaire (quand on sait que les apôtres s'exprimaient
essentiellement en hébreu et que ce n'est que plus tard que leurs
écrits ont été traduit en grec), de nombreuses
personnes se retrouvent aujourd'hui rejetées de leur cadre social
du jour au lendemain et sont condamnées à errer comme
des âmes en peine dans un monde qu'on leur a toujours décrit
comme satanique.
Je mets au défi quiconque de trouver dans les Ecrits de Paul
ou dans tout autre passage de la Bible, des textes prouvant que doivent
être exclues les personnes :
accomplissant un
véritable service militaire et non un simple service d'objection
de conscience (alors qu'en Rom. 13:1, Paul commande "Que toute personne
soit soumise aux autorités extérieures"),
acceptant une transfusion
de sang (alors que toute l'Evangile est un message de vie et non de
mort) ou même ayant mangé un aliment contenant du sang
comme le boudin noir,
fumant du tabac,
allant voter à
quelque élection que ce soit [ce point ne semble plus entraîner
d'exclusion actuellement au moins en France, mais ce fût longtemps
le cas sans que la WT ait clairement reconnu s'être trompée
à ce sujet],
ayant fréquenté
ou fréquentant une personne exclue ou retirée volontairement
de l'Organisation des Témoins de Jéhovah.
Il n'y a tout simplement aucun texte biblique justifiant ces excès
de zèle de la part de la WT, aucun texte justifiant que ces
pratiques condamnées et peut-être condamnables selon une
lecture littérale de la Bible méritent autre chose que
de simples remontrances.
En outre le texte de II Cor. 2:6,7 montre que la procédure d'exclusion
n'a pas à suivre la démarche de type totalitaire employée
par les TJ notamment en ce qui concerne la réintégration
des exclus : "Ce blâme donné par la majorité est
suffisant pour un tel homme, de sorte qu'au contraire maintenant, vous
devez lui pardonner avec bonté et le consoler, pour que de façon
ou d'autre, un tel homme ne soit pas englouti en étant excessivement
triste". Il nous est bien signifié ici que "l'exclusion" n'est
en fait qu'un blâme provisoire contre le pécheur, prononcé
par l'ensemble de la congrégation et non par un petit comité
judiciaire, composé de quelques anciens utilisant un livre spécial,
le "Livre des Anciens"
pour juger leur frères. Au contraire, le blâme devait pouvoir
être prononcé par l'ensemble de la congrégation,
ce qui limite, on s'en doute, les cas d'exclusion possibles. Ensuite,
il n'est pas question d'attendre au moins un an avant de réintégrer
l'exclu, ni d'exiger de lui qu'il se présente à toutes
les réunions publiques pendant cette période, ce qui bien
sûr est très humiliant pour la personne concernée
(ne pas oublier que pendant tout ce temps, personne n'a le droit de
la saluer ou de lui adresser la parole), alors que le passage cité
plus haut incite à beaucoup plus d'humanité envers ses
semblables.
Pour imprimer ce texte
Henrique Diaz